Comment je ne suis jamais allée à la Fashion Week

Depuis mardi, la fashion week parisienne agite les passionnés de haute couture et enflamme la blogosphère. Mais comment assister aux défilés sans carton d'invitation ? Notre reporter a joué le jeu pour vous.

 

De la violence, des larmes et des sacs Chanel, voilà ce à quoi je m'attends quand je prends le chemin du défilé Guy Laroche en ce mercredi matin. A mon arrivée, les photographes se bousculent déjà.Au loin, une blogueuse mode avec un chapeau de chat hurle au téléphone qu'elle a raté le défilé précédent, ne voyant pas que son enfant hurle lui aussi car il s'est fracassé la tête contre les bancs de pierre, tâchant par là même son gilet Marc Jacobs et provoquant d'autres hurlements de sa mère. L'ambiance promet d'être joyeuse.

Pascal Obispo, Naomi Campbell et Yamamoto

Je décide de m'adresser directement aux vigiles, sur un malentendu, je peux me faire passer pour Anna Wintour. Jean-Luc, petit chauve jovial girond, et Pascal, grand métis sosie de Michael Jordan me conseillent d'aller chez les petits créateurs. « Il faut voir ce japonais qui a collaboré avec Adidas, comment il s'appelle déjà ? Suzuki ? » propose Jean-Luc. « Non, c'est Yamamoto, tu confonds tout le temps » corrige Pascal. « Ah oui, c'est vrai. On voit souvent Pascal Obispo à ses défilés. Je l'aime bien Obispo depuis qu'il a sa petite tresse de samouraï ». Et pour le défilé Guy Laroche ? « Désolé mademoiselle, il faudra se mettre sur le côté et attendre qu'une place se libère ». 

Déconfite, je choisis de trouver un faire-valoir, bien décidée à rentrer sur le front row accompagnée de la future égérie Prada. Bingo, je distingue une fine silhouette parmi une foule de photographes. Les chaussures de Cate.P, des plateformes à talons dorés, font sensation sur l'esplanade du Grand Palais. « Et puis c'est tellement plus confortable que des Jimmy Choo, my god, c'est vraiment MA paire de chaussures préférée, je suis in love ! » raconte la nouvelle star. Après 15 ans en tant que maquilleuse de mannequins dans les coulisses des défilés, Cate a décidé de passer de l'autre côté du rideau en tant que simple spectatrice. Mais derrière son sourire corail et ses lunettes papillon, ma future Naomi Campbell se désintéresse bien vite de moi quand elle se rend compte que je ne possède pas le précieux carton d'entrée. Retour à la case départ.

« Plus tard je veux être Karl Lagerfeld » 

Ma chance se trouve peut-être dans ce groupe de collégiennes. Anaelle, Salomé, Sarah et Victoria, toutes âgées de 14 ans, en sont à leur deuxième fashion week et comptent bien rentrer sans carton. Chacune y va de son conseil : « Il faut venir en talons » assure Sarah, « Le mieux c'est d'arriver en voiture et de klaxonner, là les gens pensent que tu es importante » affirme Anaelle. Mes baskets et ma carte Imagin'R peuvent donc aller se rhabiller. « Plus tard je veux être Karl Lagerfeld » me dit Salomé, bagues aux dents mais des étoiles plein les yeux. 

Dans la file des « avec invitation », les cheveux orange fluo et les pantalons à paillettes me passent devant sans sourciller, ambiance Desireless sous acide. 

Tiens, où sont passées mes ados ? Encore une fois, me voilà seule. Dépitée, je m'apprête à prendre le chemin du retour quand j'aperçois ma sauveuse. Enfin, mon sauveur. Droit dans ses bottines noires, robe à pois virevoltant dans le vent, capeline de feutre sur son crâne chauve, François, alias Lutinenfolie, est la personne qu'il me faut. Avec cette nouvelle Geneviève de Fontenay, je suis sûre de rentrer. Déjà, il attire la foule de photographes autour de lui. A 41 ans, cet expert comptable suit les fashionweek depuis février et s'est découvert une passion pour les tenues féminines. « Je ne me suis jamais senti aussi bien que dans l'univers de la mode. Je peux assumer sans complexe mon personnage et changer de peau au quotidien ». Quand je lui demande d'où il tient son invitation, c'est le plus naturellement qu'il me répond « J'ai envoyé un mail à une attachée de presse pardi ! ». 

Pardi.

Article rédigé par Mèche Rebelle.